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Enseignantes et enseignants : les « manifestations politiques » sont aussi illicites déclare la CRTO

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Dans une décision rendue aux petites heures du matin vendredi dernier, le président de la Commission des relations de travail de l’Ontario (« CRTO »), Bernard Fishbein, a tranché que les manifestations politiques que planifiait la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (« FEEO ») étaient illicites. Le président de la CRTO a conclu que toute interruption de travail en raison de telles manifestations, même si celles-ci étaient à caractère purement politique, était interdite par la Loi de 1995 sur les relations de travail (« LRTO »). Alors que la décision impliquait seulement la FEEO, elle s’applique vraisemblablement à toutes les enseignantes et à tous les enseignants de la province.

En fait, cette conclusion n’est pas si surprenante. En vertu de la LRTO et de la Loi de 2012 donnant la priorité aux élèves (le fameux projet de loi 115), tout arrêt de travail entrepris alors qu’une convention collective est en vigueur est strictement interdit. Or, le 2 janvier dernier, la ministre de l’Éducation imposait de nouveaux contrats de travail par voie de décret aux employeurs et aux syndicats du secteur de l’éducation toujours sans contrat suite à l’expiration de leurs conventions collectives le 31 août dernier. Ces décrets ont pris effet sur le champ et les nouveaux contrats de travail sont en vigueur pour une période de deux ans, soit jusqu’au 31 août 2014. Quoique plusieurs syndicats du secteur de l’éducation se sont opposés vigoureusement au projet de loi 115 – notamment en en contestant la validité constitutionnelle devant les tribunaux – les conventions collectives renouvelées demeureront valides, à moins d’avis contraire par les tribunaux.

Devant la CRTO, la FEEO soutenait que les manifestations ne constituaient pas une « grève » au sens de la loi en raison de leur caractère politique. Or, cette distinction sémantique importe peu, selon la CRTO, puisque la question de savoir si une manifestation est une grève relève de l’interprétation et de l’application de la définition d’une grève que l’on retrouve à la Loi sur l’éducation. Selon l’article 277.2(4)b), constitue une grève toute action concertée qui restreint, limite ou gêne, ou dont il est raisonnable d’avoir l’un de ces effets, les activités d’un conseil scolaire, le fonctionnement d’une école, ou l’exercice des fonctions des enseignants, y compris une cessation de service ou une grève de zèle. Cette définition est assez large pour comprendre la cessation de travail pendant une journée de travail pour manifester, même à des fins politiques, puisque de telles manifestations affectent, entre autres, le fonctionnement habituel des écoles.

Par ailleurs, la FEEO a tenté d’argumenter que les manifestations étaient protégées par la Charte canadienne des droits et libertés. Selon cet argument, l’interdiction de manifester ou de faire la grève serait inconstitutionnelle parce que l’article 2 de la Charte protège la liberté d’opinion et d’expression. À cet égard, le président Fishbein a rappelé que les droits protégés par l’article 2 ne sont pas absolus; l’article premier de la Charte prévoit que ces droits peuvent être l’objet de limites raisonnables si celles-ci peuvent se justifier dans le cadre d’une société démocratique. Suivant la jurisprudence de la CRTO,  l’interdiction de faire la grève pendant qu’une convention collective est en vigueur est une limite raisonnable aux droits et libertés fondamentaux des enseignants et enseignantes, une conclusion à laquelle le président de la CRTO a adhéré.

Reste à voir, maintenant, si les tribunaux déclareront la Loi de 2012 donnant la priorité aux élèves inconstitutionnelle. Nous continuerons à suivre les développements.

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